French:
On entend souvent dire que nous vivons dans une époque sans précédent, ce qui justifierait de ne pas se préoccuper de l’histoire. L’innovation, dit-on, a atteint un rythme tel qu’elle propulse nos sociétés vers l’inconnu, vers un monde qui ne ressemble en rien à celui où les générations précédentes ont évolué. Certains y voient une bonne chose, d’autres sont moins enthousiastes.
En fait, l’innovation est beaucoup plus liée à notre société qu’on ne le pense. C’est une vision réductrice que de ramener l’innovation à la simple invention technologique, qui bouleverserait tout sur son passage sans égard à son environnement. L’innovation, c’est bien sûr une invention, une nouvelle idée – qu’elle soit technique, commerciale, organisationnelle ou sociale – mais cette invention n’est rien si elle n’est pas diffusée au sein de notre société, si elle n’est pas adoptée par des individus et des organismes qui y trouvent un bénéfice. Ce n’est qu’à ce moment qu’on peut véritablement parler d’innovation. L’innovation est donc profondément ancrée dans la société.
Ce que nous vivons aujourd’hui, dans la foulée de l’essor de l’Internet et de l’explosion de l’économie numérique, c’est un peu la démocratisation de l’innovation, la naissance de vastes « écosystèmes » plus complexes, où il est plus facile de présenter une nouvelle idée au public, de tenter d’innover sur un élément, sur un module. Les technologies de l’information sont déjà devenues un écosystème, et des secteurs tels l’énergie, le transport ou la santé les suivent de près. Les entreprises et des organismes réunis dans ce livre innovent et contribuent à leur manière à la vitalité incroyable de ces écosystèmes.
C’est la fluidité de ces écosystèmes, la rapidité avec laquelle une invention peut être adoptée, et ainsi provoquer un changement au sein d’un élément de l’écosystème ou un autre, qui nous donne l’impression d’aller vers l’inconnu. En réalité, nous passons d’un modèle d’innovation plus gérée, qui a régné sur le 20e siècle, vers un modèle d’innovation plus spontané, tel qu’il prévalait il y a plus de cent ans, à une époque qui a aussi vécu des changements radicaux.
Pour la société, le retour vers une innovation plus imprévisible et plus chaotique demande plus de flexibilité en politique et en droit. Plusieurs innovations contribuent à l’avancement de notre société, mais certaines non, d’où la nécessité de garder une certaine distance critique.
L’innovation, de par son impact sur la société, force une remise en question des certitudes : quels objectifs visons-nous en tant que société? En quoi l’innovation contribue-t-elle ou non à ces objectifs? Si l’innovation bouleverse les structures en place, y a-t-il d’autres manières de réaliser nos objectifs socio-politiques que les solutions traditionnelles qui sont enchâssées dans notre droit et nos institutions? Les autorités publiques doivent aussi se montrer innovantes.
English:
“We live in an unprecedented era”, it is often said, so we need not worry about history. Innovation, we are told, is unleashed at such a fever pace that it sends our societies rushing into the unknown, into a world that bears no resemblance to the one where previous generations lived. Some see this as a good thing, others are far less enthusiastic.
In reality, innovation is far more rooted in our society than these commentators want to believe. Innovation cannot be reduced to a disembodied technological phenomenon, that would systematically upturn and overcome every obstacle in its wake. For sure, innovation starts with an invention, a new idea, which can be of a technical, commercial, organizational or social nature. That invention means nothing, however, if it is not diffused within our society if it is not adopted by individuals and organizations that find it beneficial. Only then can we speak of innovation. Innovation is, therefore, a fundamentally social phenomenon.
What we are experiencing today, following the advent of the Internet and the boom in the digital economy, comes down to democratization of innovation. Large-scale complex “ecosystems” are born, where innovators can focus on a niche, a module, and more easily bring their ideas to the public without having to change the rest of the ecosystem. The converged IT sector offers a prime example of such an ecosystem. Energy, transport and health care, to name but the main ones, are now following in the footsteps of IT. The firms and organizations featured in this book innovate in their respective ways and thereby contribute to the amazing vitality of these ecosystems.
We feel that we are lurching into the unknown because of the fluidity inherent in these ecosystems: before we know it, an invention is adopted and thus an element in the ecosystem is replaced or renewed, and then comes the next innovation, and the next one, seemingly at random. In fact, we are leaving a more managed innovation model, such as ruled over most of the 20th century, and we are going back to a more spontaneous innovation space, as it prevailed more than a century ago, in an era that also underwent massive change.
For our society, heading towards more unpredictable, more chaotic innovation requires more flexibility in our politics and our laws. Many innovations improve our lot, but some do not, hence the need to keep some critical distance and acknowledge that “bad innovation” can exist. Because of its impact on society, innovation forces us to question our assumptions: which social objectives are we pursuing? In which way does innovation contribute to the achievement of these objectives, or does not? If innovation upends existing structures, are there other means for society to realize its socio-political aims, besides the traditional solutions enshrined in our laws and institutions? Public authorities must also be willing to innovate.
At the end of the line, it comes as no surprise that innovation flourishes in dynamic societies. In these societies, freedom of action leaves room for innovation to blossom in all its unpredictability. Next to freedom of action, a willingness to engage into critical self-assessment allows these societies to absorb the impact of innovation while continuing to pursue their policy objectives. The city of Montreal, and its region stand out among these dynamic societies, as this book shows. May they remain an innovation hotbed for the longest time!